Prog' Pop |

S’il est un groupe culte parmi le prog’ rock amerloque, c’est bien Pavlov’s Dog (qui a en effet entendu parler d’un fan-blog dédié à Styx ou Kansas?), et son parcours problématique y est sans doute pour quelque chose. Son registre du personnel ne dénombre en effet pas moins de trente membres successifs, et ne subsiste plus de la formation d’origine que son chanteur, compositeur et guitariste, David Surkamp. Après deux albums en 1975 et 76, leur label d’alors, Columbia, leur rendit leur contrat pour cause de ventes insuffisantes (et ce, en dépit de la participation à leur second opus de pointures telles que Bill Bruford, Andy McKay et Michael Brecker). Cette déconvenue torpilla de fait une troisième parution (pourtant déjà enregistrée et mixée), et la première incarnation du groupe n’y survécut pas. Après une collaboration low-profile avec l’Anglais Ian Mattews (relocalisé à Seattle) au sein du club-band Hi-Fi, Surkamp se résolut à reformer Pavlov’s Dog avec l’un de ses claviéristes initiaux, Douglas Rayburn, ainsi que de nouveaux musiciens. En résultèrent cinq albums studio et deux live, de 1990 à nos jours. Cette nouvellle livraison propose le même personnel que son prédécesseur (“Prodigal Dreamer”, en 2018), à l’exception du batteur Manfred Ploetz (décédé il y a quatre ans), et du guitariste David Malachowski (disparu en 2022). Enregistrée dans leur fief de Saint-Louis, Missouri, elle propose onze nouveaux titres (dont sept de la seule plume du leader, une de leur directrice musicale, Abbie Steiling, et trois co-signées du tandem historique Surkamp-Rayburn, ce dernier étant décédé en 2012). Marque immédiatement distinctive du groupe, le timbre si particulier de Surkamp (entre les jeunes Dylan et Bowie) demeure miraculeusement préservé, et le violon d’Abbie Steiling (présente à ses côtés depuis 2008, en relais d’Andrea Young) achève d’estampiller cet opus au coin de la continuité. Si le single “Jet Black Cadillac” présente de sérieux atouts pour une heavy rotation en radio, l’introductif “Anyway There’s Snow”, l’enlevé “Mona” (qui n’aurait pas déparé le répertoire de Tom Petty), “Solid Water, Liquid Sky” (avec son rhythm pattern façon “I Am The Walrus”) et ce “Collingwood Hotel” digne d’Elliott Murphy témoignent de l’étonnante vivacité de l’ensemble, dont le pilier historique a pourtant largement dépassé 70 ans. Le nouveau lead-guitarist, Phil Ring, et le batteur Steve Bunck s’inscrivent sans à-coup dans la ligne traditionnelle de la formation, dont le claviériste Mark Maher et les superbes parties de quatuor à cordes (“Another Blood Moon”, “I Wait For You”) s’avèrent désormais les garants. Clin d’œil à leur violoniste d’origine, Siegfried Carver (disparu en 2009), la valse instrumentale “Calling Siegfried” est un instant de bravoure pour Abbie Steiling et les six cordes de Phil Ring. Comme chez leur équivalent anglais Procol Harum (dissout à la disparition de Gary Brooker), de la touche prog initiale subsiste la propension à des arrangements sophistiqués (les remarquables “I Told You So”, “Canadian Rain” et “I Wait For You”, tous dignes du Genesis période Hackett-Gabriel), sur une trame dont des plages telles que “Can’t Stop The Hurt” présentent le pendant plus ouvertement rock. Prog’s not dead, et Pavlov’s Dog semble résolu à en élaguer les boursouflures pour n’en restituer que la majestueuse créativité. Un demi-siècle après leurs premiers états de service, certains héros refusent donc toujours de mourir. Pour une fois, grand bien nous fasse.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 2nd 2025
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Interview — David Surkamp (Pavlov’s Dog)