RODNEY CROWELL – Airline Highway

New West
Alternative Country, Americana
RODNEY CROWELL - Airline Highway

Si, comme je l’énonçais à un septuagénaire occupé à briquer sa Jaguar devant sa résidence de ma périphérie huppée, la météo demeure l’un des derniers sujets de consensus dans ce pays, c’est manifestement le cas aussi aux States, puisque ce brave Rodney a jugé bon de mettre d’emblée tout le monde d’accord avec “Rainy Days In California” (où il décrète qu’il ne pleut décidément pas assez), et “Louisiana Sunshine Feeling Okay” (où les caprices de l’hydrométrie ont en effet prouvé leur funeste nuisibilité). Pour la faire courte, Rodney Crowell n’est pas exactement n’importe-qui. En un bon demi-siècle d’exercice, ce Texan d’origine (relocalisé en 72 à Nashville) commença par fréquenter des légendes borderline telles que Townes Van Zandt, Steve Earle et Guy Clark (en comparaison desquels les “outlaws” Waylon Jennings, Willie Nelson et Kris Kristofferson feraient presque figure de bons pères de famille), tout en réussissant à caser quelques unes de ses propres compostions auprès d’artistes en vogue tels que ces mêmes Jennings et Nelson, ainsi que Crystal Gayle, Bob Seger, Jerry Jeff Walker et Emmylou Harris (dont il rejoignit le Hot Band pour quelque temps), et que Johnny Cash et sa fille Rosanne (qu’il épousa en 1979 pour en divorcer treize ans plus tard). Surtout considéré à ses débuts comme un songwriter’s songwriter, il n’en mena pas moins une carrière des plus honorables, puisque voici son 24ème album à ce jour. On y songe à Ray Davies pour deux ou trois similitudes de concepts. Si Rodney n’a quant à lui jamais eu besoin de se composer un rôle pour se référer à l’americana, cet “Airline Highway” s’apparente en effet quelque peu au “See My Friends” de notre Raymond Douglas favori, en convoquant une palanquée de guests sous la houlette de son producteur Tyler Bryant. À commencer par Larkin Poe, le duo que forme avec sa frangine la légitime du susnommé (sur un titre), mais aussi Lukas Nelson (fils de Willie, et accompagnateur de Neil Young au sein de Promises of The Real), Charlie Starr (guitariste et chanteur de Blackberry Smoke) et Ashley McBryde. À cette différence près toutefois que l’album en question de l’ex-leader des Kinks relevait de l’auto-célébration de son propre répertoire historique, tandis que celui qui nous occupe ne comporte que de nouvelles compositions originales. Et si Rodney en co-signe “Taking Flight” avec Ashley McBryde, “Don’t Give Up On Me” avec Will Jennings (collaborateur régulier de Steve Winwood) et “Rainy Days In California” avec Lukas Nelson (dont le père enregistra un plein album des chansons de Rodney), il s’arroge sans forcer le reste des writing credits (la moindre des choses pour un inductee du Nashville Songwriters Hall Of Fame et du Texas Institute Of Letters, par ailleurs lauréat du Poet’s Award de l’Academy of Country Music), et livre à nouveau quelques consistantes pépites. Ainsi du “Sometime Thang” dont le bluegrass feel évoque J.J. Cale (“She’s stacked like the dishes in the kitchen sink/ She doesn’ give a damn what it is you might think”), tandis que son duo avec McBryde, “Taking Flight” (sur la coda duquel Tyler Bryant se fend d’un killer-solo à la Mick Taylor) et le tex-mex “Simple (I Wouldn’t Call It Simple)” recèlent des punchlines comme “We were twenty feet from stardom, now you’re starting down post-partum” et “Smoke from the chimney, a grey shade of blue/ Rose up like a genie and vanished just like you”. Sa sagacité sur de swampy-funk numbers tels que “Some Kind Of Woman” rappelle celle de Dr. John, T-Bone Burnett, Warren Zevon et John Hiatt, tandis que le malicieux rétro-glam-rock “The Twenty-One Song Salute” cite effectivement (comme son titre l’indique) pas moins de 21 titres du répertoire vintage rhythm n’ blues & roll qu’interprétaient les obscurs Boogie Kings que Rodney allait écouter dans sa prime jeunesse au Big Oaks Club, en Louisiane. “Don’t Give Up On Me” emprunte son country-hop électrifié au “Bringing it All Back Home” de Robert Zimmerman et Mike Bloomfield, et l’ombrageux “Heaven Can You Help” sa forme au John Fogerty de “Who’ll Stop The Rain” et son thème au John Cougar Mellencamp de “Pink Houses”, avant que, serti de cordes de chambre, le sentimental “Maybe Somewhere Down The Road” ne ferme le ban avec délicatesse. Bref, si vous figurez parmi les nostalgiques du Dylan de “Desire”, du Tom Petty de “Southern Accents” ou encore du “Car Wheels On A Gravel Road” de Lucinda Williams, Rodney Crowell confirme cette fois encore qu’il relève bien du même calibre. Avec le soutien d’une dream-team de la moitié de son âge, il ne semble pas davantage prêt pour la retraite que ces derniers.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, September 6th 2025

Follow PARIS-MOVE on X

::::::::::::::::::::::::::

Album à commander ICI

Tracklist:
Rainy Days In California (Feat. Lukas Nelson)
Louisiana Sunshine Feeling Okay (Feat. Larkin Poe)
Sometime Thang
Some Kind Of Woman
Taking Flight (Feat. Ashley McBryde)
Simple (You Wouldn’t Call It Simple)
The Twenty-One Song Salute (Owed to G.G. Shinn and Cléoma Falcon) (Feat. Tyler Bryant)
Don’t Give Up On Me
Heaven Can You Help (Feat. Charlie Starr)
Maybe Somewhere Down The Road