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Notre nouveau partenaire, Hubtone PR, reflète-en quelque sorte notre propre identité: un pont entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Peu de projets illustrent mieux cette vocation que So We Could Live, la plus récente création du bassiste et compositeur Zack Lober. Connu de beaucoup pour ses collaborations avec Jamie Baum et d’autres musiciens tournés vers l’avant-garde, Lober présente ici une œuvre qui se situe au carrefour de la tradition et de l’expérimentation. Dès les premières notes, on comprend que l’on n’est pas en présence d’un jazz timide. C’est un jazz libéré, capable de passer sans effort de la pulsation familière des formes classiques aux explorations ouvertes de l’improvisation libre. Le résultat est un ensemble construit sur une architecture complexe mais toujours lisible, interprété par un quartet dont l’éclat tient moins de l’excès que de l’élégance contenue.
Le parcours de Lober est aussi mobile que sa musique. Né à Montréal, il s’est établi à New York puis à Boston avant de poser ses valises aux Pays-Bas, où il continue de tisser des liens transatlantiques. Son parcours impressionne: cofondateur du groupe The Story, acclamé par la critique ; initiateur de The Ancestry Project, une fusion ambitieuse de musique et de vidéo intégrant également ses expériences aux platines; et co-leader du collectif Landline, aux côtés de Chet Doxas, Jacob Sacks et Vinnie Sperrazza. Plus récemment, son trio néerlandais NO FILL3R, formé avec la batteuse Sun-Mi Hong et la trompettiste Suzan Veneman, s’est fait remarquer. Leur deuxième album, prévu pour le 3 octobre 2025, élargira encore leur horizon grâce à la participation du saxophoniste légendaire Jasper Blom. Titulaire d’un master de la Manhattan School of Music, Lober est aussi un pédagogue et un formateur très impliqué, partageant son savoir autant que sa pratique.
Mais réduire Lober au seul monde du jazz serait oublier l’ampleur de sa curiosité musicale. Il a exploré les univers du rock et de la pop, enregistrant ou se produisant aux côtés de Caro Emerald, Zach Williams (The Lone Bellow), Jessica Williams (Girls), The Swingle Singers, Emma Frank, Alejandra Ribera, Steve Stevens (Billy Idol), ainsi que Ian Astbury et Billy Duffy de The Cult. Chacune de ces collaborations ajoute une nouvelle couleur à sa palette, reflet d’un musicien ouvert au dialogue entre les genres.
Dans So We Could Live, Lober s’entoure de musiciens qui partagent cette même ouverture. Au cœur du projet se trouve Jasper Blom, dont les saxophones ténor et soprano façonnent l’identité de l’album autant que la contrebasse de Lober. Déjà présent sur le précédent opus de NO FILL3R, Blom occupe ici un rôle central. Figure incontournable du jazz néerlandais, lauréat du Prix Boy Edgar en 2019 — la distinction la plus prestigieuse du pays pour le jazz et les musiques improvisées — il est reconnu pour sa polyvalence exceptionnelle. Sa carrière l’a mené aux côtés de Lee Konitz, Chet Baker, Nat Adderley, Bob Brookmeyer, George Duke, Randy Crawford, David Liebman, Conrad Herwig et bien d’autres. Sa présence au sein du quartet agit moins comme un simple ajout que comme une force gravitationnelle, influençant et inspirant l’ensemble.
On le perçoit notamment dans les arrangements, où chaque détail laisse place au dialogue et à la personnalité des musiciens. La trompettiste Suzan Veneman, par exemple, séduit par un phrasé qui rappelle la délicatesse lyrique de Chet Baker, non comme un pastiche, mais comme l’expression sincère d’une inspiration vivante, transposée dans un langage contemporain. Aux côtés de la batteuse Sun-Mi Hong, dont le jeu rythmique combine précision et ouverture, le quartet déploie une esthétique résolument moderne, urbaine, intellectuelle, mais toujours empreinte d’émotion.
Écouter So We Could Live, c’est un peu comme feuilleter un livre d’histoire du jazz dont les pages seraient sans cesse réécrites. Les échos de New York y sont omniprésents : dans la fougue des improvisations, l’énergie inlassable de l’interaction, la réinvention constante du matériau musical. Pourtant, cet album appartient tout autant à la scène européenne contemporaine, et plus particulièrement à celle des Pays-Bas, où les frontières entre tradition et expérimentation s’effacent pour laisser place à un langage hybride, nourri de multiples héritages.
Ce qui en résulte dépasse le simple cadre d’un disque: c’est une déclaration d’intention. Lober et ses compagnons se soucient moins de définir un genre que d’interroger ce que signifie la «forme» au XXIᵉ siècle. Leur jazz absorbe le passé sans céder à la nostalgie; il s’inscrit dans le présent tout en imaginant l’avenir. So We Could Live incarne ainsi ce paradoxe constitutif du jazz: une histoire en mouvement, un patrimoine vivant qui refuse de se figer.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, August 27th 2025
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Musicians :
Zack Lober, Bass
Jasper Blom, tenor sax
Suzan Veneman, Trumpet
Sun-Mi Hong, drums
Track Listing :
So We Could Live
Is an Expression
Of Gratitude
My Father
And a Celebration
What it Means
Live a Life
Of Sacrifice and Service