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Peter Campbell, une voix singulière dans le monde du jazz.
Peter Campbell est de ces chanteurs qui semblent surgir d’un autre temps, une époque où le smoking n’était pas un costume de scène mais une tenue de rigueur, et où une voix seule pouvait suffire à captiver une salle entière. Son nouvel album, Haunted Melody, prolonge cette impression, sans jamais tomber dans la nostalgie ni l’exercice de style. Il ouvre plutôt un univers personnel: chaleureux, attachant, porté par une intelligence musicale qui révèle Campbell autant comme chanteur que comme producteur. Les arrangements, façonnés en collaboration avec le guitariste canadien de renom Reg Schwager, allient élégance et inventivité, preuve que Campbell accorde autant d’attention à l’architecture de ses chansons qu’à leur atmosphère.
Le projet bénéficie d’un entourage de haut vol. Aux lignes de guitare lumineuses de Schwager s’ajoutent les interventions du saxophoniste américain Joel Frahm et du compositeur-producteur portugais Ernesto Leite, plaçant Campbell à la croisée de plusieurs traditions musicales. Mais l’album porte aussi une charge personnelle profonde. Sa sortie, retardée, survient après la perte de ses parents en 2024, la fin récente d’une longue relation, et son retour au Canada après plusieurs années à l’étranger. Autant d’épreuves qui donnent à cette musique une résonance intime, dépassant largement la seule virtuosité.
La singularité de Campbell réside dans sa capacité à imposer un style bien à lui tout en choisissant un répertoire difficile à classer. Il traverse des univers éclectiques avec une aisance joueuse, comme s’il offrait à chaque compositeur qu’il affectionne le meilleur de son art. Né durant notre période d’isolement collectif, Haunted Melody se présente comme la réminiscence d’un amour passé, portée par une palette musicale riche et subtile. L’inclusion de trois compositions brésiliennes reflète son séjour prolongé au Portugal, où son immersion dans la culture lusophone l’a conduit à explorer plus avant les rythmes brésiliens et la poésie portugaise. Il définit lui-même son esthétique comme une « Pop Traditionnelle » : un espace fluide où dialoguent standards de jazz, chanson française et rythmes d’inspiration latine.
La voix de ténor de Campbell contribue à son unicité. Habituellement associée à d’autres registres, elle s’inscrit ici dans une forme de jazz généreuse, bienveillante, capable de séduire un public dépassant le cercle des amateurs. Ce n’est pas la première fois que Campbell attire l’attention de la critique : son album Loving You: Celebrating Shirley Horn (2017) avait été salué au Canada comme à l’international, figurant dans plusieurs classements des meilleurs albums de jazz de l’année et recevant une nomination aux Independent Music Awards. En 2020, Old Flames Never Die connut un accueil similaire: le magazine JazzTimes lui consacra un article de fond et le plaça parmi les quarante meilleurs disques de jazz de l’année, un honneur rare pour un enregistrement canadien, et plus encore pour un album vocal.
Que nous propose aujourd’hui Haunted Melody? D’abord, la démonstration que la nostalgie n’est pas forcément synonyme de mièvrerie, mais peut devenir un outil d’exploration. La musique de Campbell évoque ces photos sépia que l’on retrouve au fond des cartons du grenier, non pas comme vestiges d’un passé révolu, mais comme preuves qu’une beauté demeure, lorsque l’on accepte de faire dialoguer passé et présent. Pour quiconque aime ce jeu de miroirs entre les époques, les styles et les mémoires, le nouvel album de Peter Campbell sera un compagnon rare et précieux.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, August 27th 2025
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Musicians :
Peter Campbell – Vocals
Kevin Turcotte – Trumpet, Flugelhorn
Bill McBirnie – Flute, Alto Flute
Joel Frahm – Tenor Saxophone
Adrean Farrugia – Piano, Fender Rhodes
Reg Schwager – Archtop and Nylon String Guitar
Michael Occhipinti – Electric Guitar, Cuatro Puertorriqueño (5), Mandolin (7)
Ross MacIntyre – Bass
Ethan Ardelli – Drums
Alan Hetherington – Percussion
Ernesto Leite – Orchestral Programming & Percussion Programming (10)
John ‘Beetle’ Bailey – Drum Programming (6)
Track Listing:
Sweetest Presence
Lost in Summer Night
My Mood Is You
No One After
He Never Mentioned Love
Invitation
Song for Old Lovers
I’m Lost
Forgetting You
If Ever