| Jazz Funk |
C’est assurément un album de batteur, un disque où la batterie s’impose sans ambiguïté au tout premier plan. Elle entraîne chaque morceau avec une puissance musculaire qui donne le ton à ce projet de jazz-fusion teinté de funk, un projet qui, malgré son intensité rythmique, demeure étonnamment agréable et engageant à l’écoute. Conçu presque comme une bande dessinée sonore, l’album promène l’auditeur d’un motif à l’autre, glissant avec aisance entre atmosphères, lieux, voire même villes, selon, bien sûr, la manière dont chacun choisira d’interpréter les détours stylistiques et les inflexions culturelles qui traversent cette musique.
Pourtant, malgré ce charme narratif, ce disque sert avant tout de carte de visite à son créateur: le batteur et compositeur Joe Bowden, musicien qui se consacre ici à déployer, morceau après morceau, des structures de plus en plus complexes. Le concept en soi n’a rien de révolutionnaire, il a déjà été tenté à maintes reprises, mais l’intérêt réside moins dans l’originalité de la forme que dans l’ingéniosité rythmique de l’écriture de Bowden, soutenue par un mixage remarquablement bien adapté aux exigences d’un projet aussi centré sur la percussion.
La plus belle surprise survient avec le chanteur Robert Ball, qui s’illustre sur le titre Way Out. Sa prestation, parfaitement accordée à l’univers musical de Bowden, insuffle un souffle d’air frais dans une atmosphère où la batterie, omniprésente, menace parfois de tout submerger. Ici, Bowden sait se contenir juste ce qu’il faut, laissant la voix de Ball se poser avec fluidité sur les textures, et trouvant un équilibre que l’album a tendance, ailleurs, à refuser.
Le parcours de Bowden mérite lui aussi l’attention. Il a commencé à composer, produire et enregistrer en 2010, publiant en 2012 un premier album, Voices In My Head, salué par la critique. Plus d’une décennie plus tard, son sixième album, Music Is Life, apparaît comme l’expression la plus aboutie de sa voix artistique. Entre-temps, il a accumulé des distinctions qui témoignent à la fois de son talent et de son importance culturelle: le Pioneer Award lors des African Nova Scotian Music Awards en 2018, et plus récemment le Bucky Adams Memorial Award aux East Coast Music Awards en 2023. Il est aussi devenu l’accompagnateur privilégié d’une fine fleur du jazz et du R&B, de Gavin Hope à Beau Dixon, de Divine Brown à Jackie Richardson, en passant par Alana Bridgewater et l’incomparable Salome Bey.
En définitive, les compositions privilégient délibérément la rythmique au détriment de la mélodie. Un choix compréhensible, si l’on considère que l’album semble conçu avant tout pour attirer le public aux concerts de Bowden, des prestations où l’on attend, et réclame, un solo de batterie toutes les deux minutes. Ces fans ne seront pas déçus. Ceux qui préfèrent un jazz plus équilibré, en revanche, resteront peut-être sur leur faim. Quoi qu’il en soit, il y a de la place pour toutes les sensibilités dans cette musique, et l’on ne peut s’empêcher d’imaginer combien Bowden serait captivant dans un autre contexte, par exemple au sein des arrangements funk ciselés d’un groupe comme Tower of Power, ou dans l’exubérance des productions de La Nouvelle-Orléans, à la manière d’un Trombone Shorty.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, August 22nd 2025
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Musicians:
Joe Bowden – Drums, Compositions
Warren Wolf – Vibraphone
Manuel Valera – Piano
Rich Brown – Electric Bass
Mike Downes – Acoustic Bass
Track Listing:
Impulse Response
Music is Life
Way Out
Spacing Out
Sunny Day
The Next Step
The Way
Wolf Ticket
Someday (bonus track)