Americana, Blues |
Nous vous en parlions en juin dernier, à l’occasion de la parution du dernier album en date des North Mississippi All Stars (chroniqué ICI). Non seulement, Luther Dickinson n’est certes pas n’importe qui, mais il n’en fait de surcroît jamais qu’à sa tête. À preuve, outre la formation (désormais historique) aux destinées de laquelle il préside avec son frangin de batteur, Cody (14 albums au compteur), il a collaboré au fil du temps avec les Black Crowes, John Hiatt, Calvin Russell, Jimbo Mathus, les Replacements, Othar Turner, Jon Spencer, Alvin Yougblood Hart, Willy DeVille, G. Love, Samantha Fish, Southern Avenue, Devon Allman, Seasick Steve, J.J. Grey & Mofro, Eric Lindell, Patty Griffin et Ian Seagal (liste non exhaustive). En 2016, sa lubie du moment consista à enregistrer 21 pseudo-folk songs sous une pochette inspirée des livrets de la National Library Of Congress, dans le but déclaré de rendre justice à l’héritage vernaculaire des musiques et chants populaires de son Sud natal. Si la plupart d’entre elles auraient certes pu relever de ce patrimoine, elles s’avèrent de fait toutes de sa plume (à laquelle s’associent sur cinq d’entre elles Othar Turner, Jim Lauderdale, Jimbo Mathus et son propre père, le légendaire Jim Dickinson). Assisté du batteur Sharde Thomas (officiant également au pipeau et aux chœurs), d’Amy LaVere à la contrebasse et aux chœurs, de Lillie Mae Rische au violon et chœurs, du mythique Charles Hodges au Hammond B3 et piano, de Paul Taylor au tuba, Jimmy Crosthwait au washboard et maracas, Sharisse et Shontel Norman au chant, ainsi que Will Sexton à la batterie et guitare acoustique, y figurent également en special guests Mavis Staples sur un titre, J.J. Grey sur un autre, Jason Isbell à la slide, Dominic Davis à la contrebasse, Boo Mitchell aux congas, Alvin Youngblood Hart à la guitare et au chant, de même que Jimbo Mathus au banjo et au chant. De folk et de blues, on y reconnaît surtout le gumbo rural (et à l’occasion trivial) d’où se perpétuent de nos jours encore les traditions locales. Ainsi de l’irrésistible et grivois “Bang Bang Lulu”, que l’on jurerait composé par quelque pianiste de tripot louisianais (ce qui est presque le cas, puisque Luther l’écrivit avec son paternel), ou du languide et nostalgique “Moonshine”(des mêmes auteurs), célébrant les house parties dans le Mississippi Hills County (slide entre J.J. Cale et Lowell George, et name-dropping à l’appui). Question ballads, on est servi avec les unplugged “Jackson”, “My Leavin'” et “And It Hurts”, mais la diversité que déploie Luther (que ce soit à la mandoline, dans l’esprit du “Boomer’s Story” de Ry Cooder sur “How I Wish My Train Would Come”, ou encore avec les imparables gospels ruraux “Ain’t No Grave”- avec la grande Mavis Staples – et “Let It Roll”, où sa slide dialogue magistralement avec l’orgue de Hodges) préserve cette rondelle de toute monotonie. Si vous regrettez que les Stones n’aient pas développé plus avant les pistes qu’ils ébauchaient avec “No Expectations” et leur cover du “Prodigal Son” du Révérend Robert Wilkins, vos vœux seront exaucés au centuple avec l’instrumental “Horseshoe”, “Ol’ Cannonball”, “Mojo, Mojo”, “Mayor Langford Birmingham Blues” et le pastiche du “Can’t Be Satisfied” de Muddy Waters que constitue “Highwater (Soldier)”, tandis que le claudiquant “Devilment” invoque pour sa part les âmes damnées et sarcastiques de Charley Patton et Chester Burnett, “Shake (Yo Mama)” celles de Slim Harpo et John Lee Hooker, “Horseshoe” celle de Mississippi John Hurt, et le proto-rockabilly “Blow Out” celles du Johnny Burnette Trio revisitées par les Cramps. Une oasis de naturalisme au milieu du désert standardisé et numérique de la production discographique ambiante, et pour tout dire un jubilatoire acte de résistance, dont le charme surmonte l’épreuve du temps. À déguster au soleil couchant, calé dans un rocking chair sur le perron d’une ferme perdue au fin fond de la cambrousse, un bourbon de contrebande à la pogne… Vital, en somme.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, August 15th 2025
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