Jazz |
En août comme en septembre, les albums de jazz ont cette façon bien à eux de se tailler une place dans l’histoire et la tradition. Sur ce point, celui-ci ne fait pas exception: débordant de charme, porté par des arrangements pour cuivres taillés sur mesure et par des musiciens dont l’excellence enveloppe l’auditeur, jusqu’à rendre l’expérience totalement addictive. Après quelques écoutes, certaines mélodies finissent par s’installer dans votre tête, surgissant au détour d’un moment, comme de vieux amis que l’on retrouve avec plaisir.
Jason Forsythe maîtrise l’art de la composition depuis des décennies. Sa vie artistique débute dans l’effervescence des années 1960 et 1970, lorsqu’en jeune passionné de jazz, il passait des heures à transcrire des centaines de solos, tout en façonnant peu à peu sa propre voix de compositeur. Des limitations physiques ont mis un terme à sa carrière d’interprète au début des années 2000, mais elles n’ont jamais arrêté sa plume. «La vie de jazz, soir après soir, année après année, est difficile,» confie-t-il, «mais la musique est toujours vivante. Elle a soif d’être réentendue.»
C’est un album dans lequel on s’installe, un disque où l’on savoure chaque solo d’instrument. Les solos de trombone, en particulier, ressemblent à une véritable réflexion sur le rôle de cet instrument dans cet ensemble. «Il n’est pas surprenant que les trombonistes, jouant d’un instrument plus souvent cantonné à la section qu’au premier plan, comprennent les subtilités et le caractère dramatique des harmonies», note Forsythe. «C’est précisément pour ça qu’on les engage au quotidien. De nombreux trombonistes, Slide Hampton, J.J. Johnson, Billy Byers, Bob Brookmeyer, Melba Liston, sont passés par les grands orchestres avant de devenir arrangeurs.»
Quand l’histoire du jazz sert le jazz d’aujourd’hui, on se retrouve inévitablement entouré d’experts. Forsythe en résume l’esprit avec brio dans le magnétisme sonore de It’s About Time, où la dynamique est essentielle. Comme les meilleurs compositeurs de cinéma, qui renforcent l’atmosphère d’une scène par un fond musical subtil plutôt que par des effets appuyés, l’écriture pour trombone de Forsythe, parfois en avant, souvent en soutien, porte avec grâce les thèmes généraux, toujours au service de la musique. Ses années passées dans des orchestres de danse latine y laissent leur empreinte: «Ma musique pour sextuor vient directement de cette expérience» explique-t-il. «C’était une musique faite pour danser et s’amuser, toujours accessible, jamais académique ni ésotérique, toujours swing et rythmée, toujours connectée aux gens qui profitaient de la piste.»
L’album repose sur une architecture aussi complexe qu’équilibrée. Équilibre des sons, des mélodies, des solos, des instruments, être exactement là, au moment précis où quelque chose se passe, quand le musicien donne tout ce qu’il a pour apporter sa pierre à l’édifice.
En réfléchissant à son héritage de jazzman, Forsythe observe: «Nous sommes tous venus à New York dans les années 80 et 90 pour jouer cette musique, et nous avons bâti nos carrières grâce à elle. Notre expérience commune nous a donné une certaine sensibilité sur ce que cette musique devrait être.» Le résultat, capturé dans It’s About Time, est un album passionnant dans les moindres détails, qu’il faut prendre le temps d’écouter pour en ressentir pleinement le sens.
C’est une musique qui invite à la réflexion, emplie de sagesse et d’enseignements, où le fond importe plus que la forme. Elle a le pouvoir de toucher au plus profond de l’auditeur, de faire naître une nostalgie qui ne sombre jamais dans la tristesse. Bien au contraire: c’est ici une célébration du temps qui passe, tout en s’ancrant fermement dans le présent.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, August 13th 2025
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To buy this album (September 5, 2025)
Musicians :
Brian Lynch – Trumpet and Flugelhorn
Walt Weiskopf – Tenor Saxophone
Steve Davis – Trombone
Michael Weiss – Piano
Ugonna Okegwo – Bass
Andy Watson – Drums
Guests:
Kenny Rampton – Trumpet on “Sanctity”
Donny McCaslin – Tenor Saxophone on “Sanctity”
Jason Forsythe – Compositions (ASCAP), Arrangements, Trombone on “Sanctity”
Tracklisting:
- Fourth Rites (5:57)
- Simple Samba (7:13)
- The Professor (6:18)
- It’s Got To Be Sweetness (3:19)
- Probándome (5:49)
- Home (6:14)
- Outer Limits (7:52)
- Sentimental*(6:03)
- Sanctity (3:32)
David Stoller – Recording Engineer
Grady Bajorek – Video Engineer
David Darlington, David Stoler, Brian Lynch – Mixing
David Darlington – Mastering
Richard Vugmayster – Graphic Design
Jeff Kravitz – Photography
Produced by Jason Forsythe and Brian Lynch
Recorded May 22 & 23, 2024 at Samurai Hotel Recording Studio, Astoria, New York