William Carn’s Choices – The Unburdening (FR review)

Street date : July 18, 2025
Jazz moderne
William Carn’s Choices – The Unburdening

Explorer le labyrinthe sonore de William Carn : un visionnaire du jazz contemporain au-delà des genres.

Il y a une joie discrète, presque sacrée, dans le fait de découvrir un musicien. Ce n’est pas simplement une question de son, mais une invitation à pénétrer dans un univers, une atmosphère façonnée par l’intuition, l’intention et l’héritage. Écouter le tromboniste et compositeur canadien William Carn, c’est précisément cela: entrer dans un monde rare, complexe, richement texturé, où résonnent des échos de genres passés. On y perçoit un souffle pop des années 70 mêlé à l’esprit libre du jazz, une tapisserie sonore qui flirte parfois avec l’élégance du rock progressif britannique, évoquant notamment le groupe Yes. Ajoutez à cela une rythmique enracinée dans les structures du rock progressif, et vous comprendrez vite que cette musique n’est pas seulement à écouter, mais à vivre. Une expérience sensorielle qui variera pour chacun selon ses repères culturels et sa capacité à entendre au-delà des notes.

William Carn s’est discrètement, mais solidement, imposé comme l’un des trombonistes et compositeurs les plus singuliers du jazz contemporain, non seulement au Canada, mais sur la scène internationale. Interprète et pédagogue, il a multiplié les prestations et les conférences à travers le monde. Son travail avec l’ensemble Turboprop lui a valu en 2020 un prix Juno du Meilleur groupe de jazz, point d’orgue d’une carrière jalonnée de reconnaissances. En 2015, il est nommé «Rising Star» par le magazine DownBeat, et son premier album Other Stories est nommé aux Juno dans la catégorie du Meilleur album de jazz traditionnel. Plus récemment, son travail avec la saxophoniste Tara Davidson dans le cadre de leur nonette Carn Davidson NINE a repoussé les frontières du jazz. Leur quatrième album studio, Reverence, est à la fois un hommage et une déclaration d’amour à leurs influences: Joshua Redman, Hermeto Pascoal, Christine Jensen, Antonio Carlos Jobim, entre autres.

La liste des artistes avec lesquels William Carn a collaboré pourrait remplir à elle seule un chapitre de l’histoire du jazz moderne: Rob McConnell, Danilo Pérez, Joel Frahm, Miguel Zenón, Randy Brecker, David Binney, Kenny Wheeler, Ingrid Jensen, Mike Murley, Tim Hagans, Carla Bley, Steve Swallow, Maria Schneider, Vince Mendoza, John Clayton… et bien d’autres. Son jeu, caméléon mais toujours distinct, s’adapte avec une étonnante fluidité tout en conservant sa voix propre.

Et pourtant, réduire William Carn à la seule étiquette du jazz, même «contemporain», serait réducteur. Son langage musical se rapproche bien davantage d’une forme d’art contemporain, presque plastique. Une musique construite non pas autour de mélodies rassurantes ou de résolutions prévisibles, mais autour de tensions, de silences habités, d’ambiances urbaines et intellectuelles. Comme beaucoup de compositeurs canadiens, son esthétique porte une empreinte européenne indéniable, qui n’a pas peur de l’abstraction ni du désordre formel.

En parallèle de sa carrière jazz, Carn évolue également dans un vaste paysage musical aux multiples facettes. Ses collaborations, en studio ou sur scène, couvrent un spectre impressionnant: Aretha Franklin, Elton John, Paul Anka, Feist, Johnny Reid, Janelle Monáe, Sarah Slean, Royal Wood, Hawksley Workman, Noel Gallagher, Tanya Tagaq, Buffy Sainte-Marie, et bien d’autres encore. Ce n’est pas seulement la marque d’une polyvalence technique; c’est l’expression d’une ouverture artistique rare, d’une volonté de ne jamais se laisser enfermer dans un genre.

Soyons honnêtes: cette musique ne s’adresse pas à l’auditeur distrait. L’univers sonore de William Carn est dense, parfois opaque, et exige de son auditoire une vraie présence, une capacité à écouter profondément. Il demande une culture artistique, une curiosité, et surtout une grande ouverture d’esprit. Mais pour ceux qui acceptent de s’aventurer dans cette galerie sonore immense, où les formes se croisent et se contredisent, où les repères sont volontairement brouillés, la récompense est à la hauteur du voyage.

William Carn ne vous propose pas simplement un album ou quelques morceaux. Il vous convie à une expérience sensorielle totale, une exploration intérieure guidée par la curiosité autant que par le son. C’est une traversée sans pancartes, sans sentiers battus, et c’est précisément là que réside sa beauté. À une époque musicale souvent marquée par l’uniformité et la gratification instantanée, William Carn nous rappelle le plaisir de se perdre… et la magie profonde qu’il y a à s’y retrouver.

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, July 15th 2025

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Available July 18.2025, here

Musicians:
William Carn – keyboards, trombones, voice (2, 3, 6)
HiFiLo (aka Todd Pentney) – keyboards (2, 3, 5)
Brad Turner – trumpet (2)
Luis Deniz – alto saxophone (6)
Lina Allemano – trumpet (7)
Tara Davidson – alto saxophone (6, 8), voice (2, 3, 6)
Selena Evangeline – voice (9)
Larnell Lewis – drums (2)
Davide Direnzo – drums (3)
Colin Kingsmore – drums (6)

Tracklist :
No Peace
Brother
The Id
Snake Plissken Finds Peace
Shatter
Ascension
Unbearable
Gratitude
Peace Be