MARC RIBOT – Map Of A Blue City

New West
Americana, Folk
MARC RIBOT - Map Of A Blue City

Marc Ribot! Chez le mélomane moyen, ces trois syllabes suscitent d’emblée tout un imaginaire. Considéré depuis une quarantaine d’années comme un pilier des courants musicaux les plus avant-gardistes (en raison notamment de ses expérimentations aux côtés de John Zorn), le guitariste New-Yorkais n’en affiche pas moins un parcours des plus éclectiques. Outre Tom Waits et Elvis Costello, on trouve en effet sa patte caractéristique auprès d’artistes aussi divers que Norah Jones, Marianne Faithfull, Alain Bashung, Gavin Friday, Caetano Veloso, Diana Krall, Madeleine Peyroux, McCoy Tyner, Robert Plant avec Alison Krauss et les Lounge Lizards. Réputé pour son approche éclectique et non-conventionnelle de l’instrument, il ne l’a par-contre jamais été pour ses talents de vocaliste, ayant consacré l’essentiel de son parcours à une approche sonore constamment renouvelée. Un premier indice de son appétence pour la chanson se manifesta toutefois il y a six ans, quand il enregistra “Songs Of Resistance 1942-2018” (quitte à en déléguer les parties vocales à quelques usual suspects tels que Steve Earle, Tom Waits, Meshell Ndegeocello, Justin Vivian Bond et Sam Amidon). Il n’empêche que cet expert en surprises nous dévoile à présent une toute nouvelle facette de son art, à l’orée de sa huitième décennie en ce bas monde. Il lui aura en effet fallu près de trente ans pour accoucher de ce projet, dont il assume cette fois enfin le chant. On lui découvre un brin de voix tout à fait convaincant dès le “Elizabeth” introductif, accompagné d’un trio à cordes classique (viole, violoncelle, violon), poursuivi dans une veine proche de celle du Leonard Cohen des débuts avec le délicat “For Celia” (parsemé de punchlines aussi saillantes que “the cruellest of god’s cruel inventions to make us love these bad intentions” et “it’s just romantic German bullshit, you can’t redeem yourself by weeping”). Une discrète batterie, une basse et un orgue voient ensuite Marc embrasser un falsetto rapprochant “Say My Name” du Neil Young cotonneux de “On The Beach”. Une wah-wah lui apporte un contrepoint bienvenu, avant qu’avec son solo de sax pastichant Stan Getz, la bossa languide “Daddy’s Trip To Brazil” ne confirme le caractère acerbe de l’humour rigotien (“I have nothing to say to engaged intellectuals“). La plage titulaire s’avère la plus atmosphérique du lot, Marc y accompagnant ses lyrics murmurés d’une guitare saturée de phasing et de reverb, dont l’on reconnaît au fil du chorus final les fulgurances auxquelles celle-ci nous avait accoutumés. Avec sa slide caractéristique et les backing vocals d’Eszter Balint, “Death Of A Narcissist” s’apparente à l’Americana contemporaine façon Wilco et I See Hawks In L.A., tandis que “When The World’s On Fire” se révèle la cover d’un traditional popularisé dans les années 30 par la Carter Family. Marc en a juste modifié quelques paroles, “afin de la rendre acceptable aux agnostiques“. “Sometime Jailhouse Blues” est la transposition d’un poème d’Allen Ginsberg de 1949. La guitare acoustique y confère le climat tex-mex qui nimbait la B.O. de “Pat Garrett & Billy The Kid” par Dylan, voici un demi-siècle déjà, et à part ce dernier et Ry Cooder, on ne voit pas quels autres guitaristes pourraient y exceller davantage: c’est une leçon de tourneries placides et de contrepoints dignes de Andrés Segovia ou de Mississippi John Hurt. Le conclusif “Optimism Of The Spirit” est une pièce bruitiste où, avec le soutien percussif du producteur François Lardeau, Ribot confirme in extremis qu’il n’a pas renoncé à son habituel terrain de jeu. Ceci ne nuit pas réellement à la cohésion globale de cet album, dont le charme opérera sans doute à l’instar de celui du “Nebraska” de Springsteen, en tant qu’exception notable pour les auditeurs réfractaires au vulgus des deux intéressés.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, June 27th 2025

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