ROOTS & ROSES FESTIVAL – Lessines, Belgique, 1er mai 2024

ROOTS & ROSES FESTIVAL - Lessines, Belgique, 1er mai 2024

ROOTS & ROSES FESTIVAL 
Lessines, Belgique, 1er mai 2024 

Texte et Photos: Jean-Christophe Baugé (BLUES MAGAZINEJAZZ NEWSLEGACY (DE)METALLIANPARIS-MOVEROCK & FOLK)

Le Roots & Roses festival, rendez-vous incontournable des amoureux des formes modernes de folk, blues, rock’n’roll et garage, s’est tenu le 1er mai 2024 à Lessines (BE), dans la province du Hainaut, à 60 km de Lille, sous deux chapiteaux géants dans un cadre verdoyant. Après l’ouverture inédite au stoner de 2023, la nouvelle direction a misé sur la double tête d’affiche néerlandophone The Seatsniffers (BE) / DeWolff (NL). Les bonnes surprises étaient également américaines, australiennes et… françaises!

Chanteur/ guitariste/ harmoniciste nomade à l’ère des producteurs en chambre, le bluesman australien JESSE REDWING se défend de toute tentative d’appropriation culturelle, arguant d’une égalité dans la compétition victimaire entre Juifs et Noirs. Ses deux premiers albums studio, Comin’ On (2017) et Light My Way (2020), et en public, Blues On The Mountain (2019) et Live And Lascivious (2020), témoignent d’une démarche indépendante visant à assurer des premières parties de renom, de Cedric Burnside à Ana Popovic. Avec, cerise sur le gâteau, l’inclusion du titre “Crawlin’ Up The Walls” à la B.O. de Shooter saison 1, série Netflix avec l’acteur Ryan Phillippe en ex-tireur d’élite des Marines. Trim The Fat (littéralement, “tailler dans le gras”) est tiré du blues conclusif “I Don’t Want To End Up Like That” sur la rupture avec une petite amie qui lave son linge sale en famille. Des paroles ancrées dans la tradition, sur des musiques dépouillées qui le sont tout autant. Le rampant “NWO”, pour New World Order, et le saturé “Inside Looking Out” n’évoluent-ils pas sur un unique accord? Le jeu en fingerpicking et l’attitude faussement nonchalante de Jesse finiront de charmer la gent féminine en tournée.

Jouisseur des horizons ouverts de la campagne alsacienne qu’il vit comme celle du sud des Etats-Unis, Victor Sbrovazzo découvre l’harmonica et le blues traditionnel pendant que ses amis musiciens officient au sein de combos punk. L’option one-man band à la Doctor Ross ou Scott H. Biram, qui s’impose à lui comme une évidence en 2010, aurait pu ne pas faire pas long feu avec l’arrivée du batteur Geoffroy Sourp (2012) puis du bassiste Adam Lanfrey (2015). Pourtant, sur Upstream Shake, premier EP d’une trilogie décidée au retour du pays de l’Oncle Sam, le trio DIRTY DEEP fait encore sienne la maxime de Willie Dixon selon laquelle “le blues est la racine et les autres musiques sont les fruits”, utilisant indifféremment le folk, le rock et le stoner comme exhausteurs de goût. Rust Off My Knees, solo, réaffirme donc les fondamentaux. Sur le boogie “Who’s The Devil Now”, Victor, le pied gauche en diagonale sur les pédales de charley et de caisse claire, l’autre sur celle de la grosse caisse, chauffe le goulot de bouteille en slide et sature à l’harmonica son micro Sennheiser 609 porté au cou… Un double travail d’introspection et de synchronisation qu’aucun supplément de violon (“Ain’t No Other Way”) ou de piano (“Dark Clouds”) ne vient gâter.

THE COLD STARES est né en 2009 des retrouvailles à Evansville, Indiana, de Chris Tapp et Brian Mullins, chanteur-guitariste et batteur dix ans plus tôt et 80 km plus au sud à Madisonville, Kentucky. Le succès du duo au regard froid, quantifiable en termes de ventes d’albums (25 000 copies pour A Cold Wet Night And A Howling Wind en 2012) et de vues sur YouTube (plusieurs millions), tient moins de l’alignement insolent de planètes que du placement de produit dans des publicités: “Head Bent” (Head Bent, 2017) pour les automobiles Dodge, “Sleeping With Lions” (Mountain, 2018) pour les boissons énergisantes Monster Energy, et “Mojo Hand” (single de 2022) pour le jeu vidéo Cyberpunk 2077… Après cinq albums, quatre autoproduits plus un chez Mascot, The Cold Stares intègre le bassiste Bryce Klueh. Le feu prométhéen brûle dans le blues rock de The Southern, qui a fait souche sur d’autres continents. Puissent “Confession”, dont l’introduction à la Stevie Ray Vaughan contraste avec le pont psychédélique, et “Giving It Up”, hard rock abrasif post-Hendrix tel que révéré dans les années 1970, gommer la paralysie faciale dont l’ami Chris semble parfois être affligé sur scène.

La soul, dont feus Charles Bradley et Sharon Jones, ayant poussé tardivement les portes du destin, ont désengagé le pronostic vital, n’est pas encore appelée à sortir de l’Histoire. Le septième album de MICHELLE DAVID, élevée à New York dans une église, et ses TRUE TONES, néerlandais et présentement cuivrés, est la grande manifestation transpartisane d’une musique de cœur et d’esprit issue du blues et du gospel (référence: Stax, à Memphis, Tennessee), orientée pop grand public (Motown, à Detroit, Michigan), ou proto-disco richement arrangée (Philadelphia International Records, à Philadelphie, Pennsylvanie). Le groupe, bon chic bon sens, remet en scène des passions fondamentales, embrassant un style classique (“Peace”, quand la paix n’est qu’un horizon régulateur) puis… sismique (“If You Don’t Try”, shouté sur un accord). La conjonction des contraires? Hors cabotage, il se reconnait à peine dans la bacchanale psychédélique de “Karam”, point d’achoppement d’un rated X imaginaire de blaxploitation. Approche pensée et pesée: pas de procès en manque de pureté!

Formé en 2007 à Geleen dans la province néerlandaise du Limbourg, DEWOLFF, deux frères de sang (Pablo et Luka Van de Poel, guitare et batterie) et un de cœur (Robin Piso, orgue), a fait les beaux jours du Paradiso d’Amsterdam avant que les festivals européens s’arrachent le trio. Tardivement certes, après neuf albums studio, et en configuration “économique” sans chœur, section de cuivre ni basse, comme au Roots & Roses (Belgique) et au Motocultor (France) en 2024… Mais prétendre que “Treasure City Moonchild”, “Rosita” et leurs clins d’œil respectifs à Santana et aux Blues Brothers souffrent en live d’un don de soi serait mentir. Nouvelle valeur refuge de Mascot, label de Rotterdam orienté guitare, le groupe dans la force de l’âge est allé enregistrer à Muscle Shoals, Alabama, dans les légendaires studios FAME et MSSS, entre l’orgue Wurlitzer d’Aretha Franklin et le piano à queue de Leon Russell: la douzaine de compositions matures, synthèse du blues-rock-soul sudiste des Allman Brothers et de leurs épigones ventripotents (“Book Of Life” et “Snowbird” élèvent l’art du pont musical à la fusion “deux-morceaux-en-un”), n’a aucune peine à forcer la porte de nos âmes.

ROOTS & ROSES FESTIVAL  – Lessines, Belgique, 1er mai 2024 

Texte et Photos: Jean-Christophe Baugé (BLUES MAGAZINEJAZZ NEWSLEGACY (DE)METALLIANPARIS-MOVEROCK & FOLK)