Sûr qu’en balançant ‘Baby Chile’, de Bernard Allison, en premier titre, le combo donne dans le solide, le fiable et le velouté, mais fallait oser car un titre pareil se mérite, et j’en connais qui se sont cassé les dents et les cordes de leur gratte sur ce titre.

Sûr aussi qu’en glissant quelques compos entre des reprises, le KTB (c’est tout de même plus court que Kevin Texas Band) ouvrait la porte aux critiques faciles ou aux compliments superficiels et mal léchés, histoire de ne pas vexer des gaillards qui se donnent du mal et qui vous alignent tout de même des titres persos aussi percutants que ‘Long Legs Blues’ ou ‘Sweet baby’, mais en greffant dans le corps du CD une reprise de Monsieur Eric Bibb, avec une superbe interprétation de ‘Don’t ever let nobody drag your spirit down’, le Kevin & Co Band démontre qu’il est non seulement un groupe à la patate féroce mais qu’il sait aussi donner dans le subtil, le fin, le charismatique.

 

Kevin Guegan, à la guitare, est magistral, rien que cela, et le bougre n’en finit plus de s’affirmer come chanteur, tandis que Julien Cormier à l’harmonica éclabousse l’album de toute sa classe, signant même un superbe morceau en hommage (et titré ainsi) à Rod Piazza. C’est fougueux, impérial, fluide et enragé à la fois, et à ce rythme là le lascar ne tardera pas à voir son nom s’afficher en grosses lettres rouges sur les façades des plus beaux clubs de blues des States.

 

Quand on pense que ce groupe ne s’est formé qu’en 2001, on ne peut que saluer ce ‘Louisiana Rain’ dans lequel les compos du groupe sont, je vous le dis, du niveau des reprises, et ça, mazette, ça vous fout une telle claque qu’en bon chrétien vous tendez l’autre joue.

 

Comment passer sous silence les envolées de Mathieu Burgot aux claviers sur ‘I’m Ready’ (W. Dixon), et cette rythmique d’une précision de métronome qui vous met un combo sur les rails, en toute sécurité: Bruno Breton à la basse (écoutez-le dans ‘Changes’ ou ‘Worried Down With The Blues’) et Yves Loubet à la batterie sont de la race de ces seigneurs, de ces guerriers qui peuvent accompagner les supers gratteux dans les combats les plus acharnés, les plus titanesques. C’est du lourd, du sévère et ca pèse son poids de fonte, parole d’esthète.

 

A la sixième écoute du CD, je frémis à l’idée des compliments qui vont leur tomber sur le paletot, à ces frenchies du Kevin Texas Band, car, franchement, la galette est somptueuse et aucun titre n’ouvre la porte à un possible caramel: c’est béton, et c’est grand à la fois.

 

Et que dire de ce final où le groupe aligne un ‘Chicken Shack Boogie’ endiablé suivi d’un ténébreux ‘Blue and black’ avant de baisser le rideau sur un ‘Louisiana Rain’ acoustique et qui vous collera des frissons par vagues aussi intenses que celles de l’ouragan Katrina. Vous avez dans cette compo du KTB le bruit de la pluie, l’odeur de la pluie, la radio qui grésille, la guitare qui suinte, la voix qui tremble, l’harmonica qui frissonne, le bruit lointain de l’ouragan, bref tout ce qui vous replonge direct en 2005, l’année de Katrina. Un titre, un album en fait, dont vous ne ressortirez pas indemne. Putain de claque!

 

Frankie Bluesy Pfeiffer