Benoît Blue Boy & Les Tortilleurs – Résolument Bleu

TEMPO RECORDS - SOCADISC
Blues
Benoit Blue Boy & Les Tortilleurs - Résolument Bleu

Depuis Henri Salvador (dit alors Cording) et Boris Vian (d’Ox), le blues en France (que dis-je, le blues en français surtout), ce fut de tout temps la corde raide. Entendez par là qu’entre hommage servile et parodie condescendante (en un seul mot, quoi que…), la ligne de crête s’y est toujours révélée plus étroite qu’un passe-lacet. Et de Patrick Verbeke (qui y laissa une partie de sa santé) à Bill Deraime, en passant par Paul Personne (nourrissant tous deux une farouche défiance envers le showbiz camembert, même quand ils passaient chez Drucker), voire Jean-Jacques Milteau, Slim Pezin et Alain Giroux, ce courant alternatif a toujours plus ou moins relevé du sacerdoce. Davantage encore que sur ses terres originelles (où il constitua longtemps un exutoire endémique), le blues hexagonal (comme la country ou le bluegrass) fut ici avant tout perçu (et le plus souvent utilisé) comme une sorte d’édulcorant plus ou moins exotique. Tandis qu’Eddy Mitchell et Joe Dassin enregistraient à Nashville avec Charlie McCoy ou Tony Joe White, ce fut Michel Mallory (né Jean-Paul Cugurno) qui écrivit pour Johnny “Toute La Musique Que J’Aime” (avec cent quatorze titres à son actif, Michel Mallory est le parolier qui a écrit le plus grand nombre de chansons pour Johnny Hallyday!). Les authentiques férus de ces musiques se pinçaient alors le nez, tandis que l’écrasante majorité du populo continuait à s’en tamponner joyeusement… Maintenant que les disques ne valent plus rien (sauf s’ils se pressent à nouveau en vinyle, mais c’est là un autre débat), et que bientôt la scène risque d’en faire autant, l’heure des compromissions est désormais révolue. Comme cela n’a jamais trop payé, mais qu’à présent ça ne rémunère même plus du tout, on va enfin pouvoir jouer de la musique pour son simple plaisir… Des gens comme Nico Duportal, Xavier Pillac et Awek l’ont compris depuis longtemps: jouer le blues ici, c’est aller au charbon. Comme là-bas, dis: for the sake of it, è così e basta. Et au milieu du marigot, serein comme un hippo s’ébrouant dans la vase, Benoît Billot (alias Benoît Blue Boy) s’en fout. Cela fait près d’un demi-siècle qu’il a circonscrit tout ce cirque, et qu’il survit loin de ses marges, par delà ses lisières. Car Triple B (comme on pourrait nommer un tracteur ou un camion), c’est un univers parallèle en soi. Figure tutélaire pour des apprentis bluesmen venant s’abreuver à la source bienveillante de sa science du truc, il n’en a pourtant jamais fait tapage ni étalage. Le gusse n’en éprouve ni l’envie, ni le besoin: si le slogan n’avait été dévoyé pour un usage aussi bassement politicard, il s’avèrerait le parangon de la force tranquille. Pour son dix-septième album, il fait semblant de se laisser faire. Si ses Tortilleurs actuels comprennent encore son fidèle lieutenant, le guitariste Stan Noubard Pacha, les trois autres proviennent des Sparks. Pas de chez les frères Mael, non, mais de la bande à Nico Duportal (naguère encore appelée les Rhythm Dudes). Et s’il n’était ce bon Nicolas pour produire cette rondelle (et y jouer aussi), on n’y verrait quasiment que du bleu. Parolier faussement nonchalant, Benoît y déploie ses aphorismes (“Jamais Parfait”, “Ca Déplait, Ca Déplait”, “Toute Ma Vie”, “Rien D’Autre À Faire”). Le polyvalent Alex Bertein (ancien des épatants Gee-Wees de Somain) assure les parties d’orgue et de basse, tout en prodiguant à lui seul de juteuses parties de cuivres. Qu’il co-signe quelques pépites de plus avec Pascal Mikaelian et Steve Verbeke, ou encore qu’il adapte en shuffle “Ma Petite Amie Est Vache” des Chats Sauvages, le Blue Boy ne se départit à aucun instant de son flegme en sous-main. C’est sa marque de fabrique, tout comme son jeu d’harmo à la pertinente économie. Où qu’ils se trouvent désormais, Lazy Lester (qu’il côtoya), Jimmy Reed et Slim Harpo le reconnaissent pour l’un des leurs. Tout comme Benoît, ces gens n’ont jamais rien eu à prouver : leur aura les précédait de loin, et leur écho en prolonge les effluves. Résolument, en effet.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 14th 2020

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Résolument bleu… La richesse est au bout de la promesse, car cette 16ème pièce d’une discographie entamée en 1979 transpire le blues chaloupé franco (textes) – louisianais (musique). Anti-commercial? Oui, quand bien même la notion est caduque depuis que le CD ne se vend plus. Authentique? Non, si l’on s’en tient à l’adage selon lequel le blues français, c’est le musette. Question de point de vue. Sur une douzaine de titres hors du temps, excepté “Millionnaire” en euros donc post-2002, on retrouve les habitudes d’écriture (texte débonnaire sur “Ça Déplait, Ça Déplait”), les petites marottes (voix nonchalante sur “Si Tu D’mandes”) et les valeurs refuges (harmonica à l’économie sur “Juste Une Cigarette”) de Benoît “Blue Boy” Billot, toujours pertinent à 74 ans. Nico Duportal, collaborateur émérite depuis le 25 cm A Boire Et A Manger en 2017, est garant de l’équilibre feeling/ technique à la guitare, parfois baryton. Dans les coulisses de cette création originale, documentées dans le livret de CD, sa barbe de hipster est complètement raccord avec la chemise de bûcheron de son commanditaire. Quant aux collègues Alexis Bertein (sax ténor et baryton, claviers, basse) et Pascal Mucci (batterie), ils font l’objet d’une présentation studio digne d’une autre Français qui rêvait d’Amérique: Schmoll.

Jean-Christophe Baugé
BLUES MAGAZINE/ JAZZ NEWS/ LEGACY (DE)/ METAL OBS’/ CLASSIC OBS’/ PARIS-MOVEROCK & FOLK

PARIS-MOVE, December 14th 2020

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Ça fait plus de 25 piges que je chronique inlassablement et avec un enthousiasme croissant les albums de mon ami Benoît Blue Boy, et à chaque fois, je suis aussi émerveillé qu’un alpiniste qui aurait atteint l’Everest par son versant nord et aussi ému qu’un adolescent acnéique et pubère dans les 60’s, qui se rendrait en Vespa à sa première surprise-partie un jeudi après-midi, sur fond de Platters, Paul Anka, Lucky Strike et Coca-Cola. Ou comme le Professeur Raoult qui, enfermé dans son laboratoire secret, chercherait en vain une molécule pour combattre ce terrible virus appelé: Le Blues. Car au blues, ça fait plusieurs décennies que Benoît Blue Boy a été testé positif et qu’aucun traitement n’a pu le vaincre quant à présent, même pas celui des béotiens de l’infâme showbiz, aussi impliqués dans la musique qu’un inflexible inspecteur des finances publiques. Après “A Boire Et A Manger A St Germain-Des-Prés”, enregistré avec l’incontournable Nico Duportal, opus qui mettait en exergue la musique du Paris rive-gauche et des caves enfumées du milieu des 50’s, avec la culture swing de Boris Vian, Mac-Kac ou Moustache et les prémices du rock’n’roll français, bien avant le tsunami Johnny Hallyday et les premiers miaulements twist des Chats Sauvages sur la french riviera, on retrouve Benoît et les Tortilleurs avec “Résolument Bleu”, un album remarquable dans un registre plus classique, plus Louisiana-Blues, plus swamp, plus down home, plus lancinant, bref du Benoît Blue Boy pur jus, 100% AOC sans sulfites ajoutés, du BBB grand cru classé à consommer de suite sans aucune modération, médaille d’or au dernier salon, non pas de l’agriculture, mais de la culture, dans la spécificité groove et feeling. Pour votre info, Nico Duportal (guitares) fait dorénavant partie intégrante des Tortilleurs et a réalisé cet album de main de maître. Grand spécialiste du West Coast Blues, du Rockin’ Rhythm et du Swingin’ Blues, émule de T-Bone Walker et de Johnny Guitar Watson, Nico Duportal est entré au sein des divins Tortilleurs, avec la foi d’un moine Bénédictins entrant dans les ordres, pour y retrouver un autre grand et talentueux monsieur du blues, Stan Noubard Pacha, le guitariste de blues par excellence, celui que l’on cite comme une référence aux états de service dignes d’un général de l’US Navy. Quel parcours extraordinaire pour l’inoxydable Benoît Blue Boy, de Alan Jack Civilization au duo mythique avec son vieil acolyte Patrick Verbeke, lorsqu’il fallait mettre les mains dans le cambouis et jouer dans des endroits les plus austères, pour imposer le blues en France, des no man’s land où même les trains ne s’arrêtent pas, où la bière tiède coulait à flots et où il fallait parfois être persuasifs et donner le coup de poing pour toucher son maigre cacheton, pour arriver à de merveilleuses rencontres et autres collaborations de standing telles que George ‘Harmonica’ Smith, Randy Garibay, Hector Watt, The West Side Horns, ‘Unk’ John Turner, Lazy Lester, Freddie Roulette, etc… Benoît est une sorte de bluesman aux testes réalistes, ou une sorte de chanteur réaliste aux textes bluesy. Avec sa gouaille légendaire et son style d’écriture, il est en quelque sorte la suite logique d’Aristide Bruant, de Piaf, de Fréhel, adepte de l’argot parisien, du langage populaire, de la poésie des faubourgs et des bistrots, un Gavroche échappé de l’œuvre de Victor Hugo, souffleur invétéré d’harmonicas. Toujours influencé par le blues festif et bigarré du Golfe du Mexique, de Bâton-Rouge à New-Orléans, de Slim Harpo à Lightnin’ Slim, de Lazy Lester à Lonesome Sundown, et autres figures de proue du catalogue Excello Records de Nashville, sans oublier le côté Mississippi de Jimmy Reed, c’est dans son ADN. D’ailleurs lors de son dernier check-up, les médecins éberlués ont trouvé des traces de Tabasco, de Jambalaya, d’écrevisses et de Gumbo dans son sang, et son électrocardiogramme battait le rythme de ‘Baby, Scratch My Back’. Benoît est tellement crédible dans son trip swamp-blues de Louisiane, une musique subtropicale et moite, qu’on le croirait sorti d’un polar de James Lee Burke, des fais-dodos de Bourbon Street du mardi gras, ou du film culte ‘Un tramway nommé désir’ avec Marlon Brando, c’est vrai que pour paraphraser un tantinet Hallyday, on a tous quelque chose en nous de Tennessee…
“Résolument Bleu” signe indubitablement le grand retour de la légende, le come-back discographique du taulier, avec moult pépites comme ‘Ca déplait, ça déplait’, ‘Résolument Bleu’ et ‘Juste une cigarette’, deux titres à l’origine issus du répertoire de Steve Verbeke, avec pour le second les cœurs assurés par les frères Le Bail, alias Elmor et Jimmy Jazz, de Doo the Doo et Honeymen, l’étendard du blues breton de Quimper, ‘Millionnaire (tous ou presque)’, titre créé par Benoît avec l’harmoniciste Pascal ‘Bako’ Mikaëlian (Patrick Verbeke, The Duo, Bako’s Family, Manu Lanvin, etc…), avec aux cœurs un certain Matthieu Fromont de Bo Weavil et Denis Leblond (producteur et boss de Tempo Records), l’antithèse du Colonel Parker, qui transforma Elvis en héros grec. Je terminerai ce survol des titres proposés, avec ‘Pas danser’, un classique de la maison Blue Boy revu et corrigé à la sauce Duportal, qui était à l’origine sur l’album “Tortillage” de 1986, avec cette fameuse pochette où l’on retrouve Benoît Blue Boy dans un costard digne de la Camorra (mafia napolitaine), fines baccantes à la Dario Moreno et galurin façon Eddie Constantine (Lemmy Caution), ‘Si Tu d’mandes’, titre irrésistible, tout en sous-entendus et en autodérision, qui me fait bien évidemment penser à ‘On peut plus en trouver’ sur l’album “Lent ou Rapide” (Dixiefrog 1997). Et pour finir, la cerise sur le gâteau, le point d’orgue de cet opus, la reprise de ‘Ma petite amie est vache’ des Chats Sauvages avec le regretté Dick Rivers, dans une version improbable! Ça va faire plaisir à Didier l’Embrouille et sa batte de baseball…! Pour l’anecdote, ce titre se trouvait sur le 1er E.P des Chats, sorti le 24 avril 1961 et qui est bien entendu l’adaptation de ‘Mean Woman Blues’ que Presley interprétait dans le film “Loving You” de 1957. Titre qui sera également repris par Jerry Lee Lewis et Roy Orbison. Ce n’est pas la première fois que Benoît Blue Boy rend hommage aux groupes de rock’n’twist français des 60’s, avec en 1980 sur l’album “Original”, la reprise de ‘Tu parles trop’ des Chaussettes Noires avec Eddy Mitchell, et en 2010 sur l’album “Funky Aloo”, la reprise de ‘Le Voodoo Twist’ des Pingouins, titre original de LaVern Baker. Contre vents et marées, tel le roseau qui plie mains ne rompt pas, Benoît Blue Boy remet les pendules à l’heure et prouve une fois de plus, qu’il est bel et bien un OVNI, de plus en plus précieux dans ce marasme musical et culturel actuel, et que si la vie était mieux faite et beaucoup moins injuste, on devrait lui décerner le prix de l’Académie Charles-Cros, deux ou trois victoires de la musique avec invitation au JT de 20h00 de TF1, en grande pompe et avec le tapis rouge, et quelques couvertures des Inrockuptibles, de Télérama ou encore de Rock & Folk… et pourquoi pas un portefeuille rue de Valois, pour défendre la culture et la francophonie, à la place de cette facétie clownesque qu’est Roselyne B. et de ses tailleurs Chanel de couleur rose fuchsia.

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, October 12th 2020

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Quoi que l’on en dise, pour bon nombre d’auditeurs et de fans, 3B (Benoit Blue Boy) incarne le blues à lui tout seul. C’est vrai que les arguments des adeptes de la langue anglaise se tiennent, mais dès que l’on entend la voix de Benoit Billot sur l’un de ses riffs si particuliers on ne peut s’empêcher de ressentir à nouveau ce qu’ont été nos premiers émois à la découverte de cette musique- là! A l’époque, on ne savait même pas très bien que l’on pouvait parler d’autres langues que celle que nous découvrions nous-mêmes à l’école et au collège… Encore mioche ou pré-ado nous avions alors l’occasion et le bonheur d’écouter autre chose que les variétés que l’on subissait à longueur de temps. Une musique qui pulsait et chaloupait sur des textes qu’il nous suffisait d’écouter pour les comprendre et nous tortiller (ce n’est qu’ensuite que l’on a retrouvé dans les groupes venus d’Outre-Manche les rythmes auxquels le Benoit nous avait habitués…). Toujours est-il que la petite graine avait commencé à fructifier. Et puis on a compris que les anglo-saxons chantaient la même chose que Benoit, mais dans une autre langue… La boucle était bouclée! Et aujourd’hui encore on peut écouter cette musique-là, qui nous rappelle notre adolescence. On a juste compris avec le temps qu’il jouait avec la fine fleur hexagonale ce genre de zik qu’on appelait le Blues. Sur cet opus, 12 nouvelles compositions toutes signées 3B, à l’exception de “Ma petite amie est vache” qui est signée de P. Guiton et Claude de Metrius… titre qui fut interprété par les Chats Sauvages en 1961. C’est Nico Duportal qui réalise l’album, lui qui était déjà aux manettes pour le “A Boire Et A Manger” de 2017. Là, il est à la guitare avec Stan Noubard Pacha mais il est aussi venu avec le batteur Pascal Mucci et Alexis Bertein, un brillant saxophoniste qui joue ici la section cuivres, l’orgue et la basse. Un album légèrement teinté nostalgie qui ravive de biens jolies choses!

Dominique Boulay
PARIS-MOVE & Blues Magazine (Fr)

PARIS-MOVE, October 19th 2020

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Pour télécharger ou commander ce CD, rendez vous sur le site internet de Benoît Blue Boy: ICI

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