ANNIKA CHAMBERS – Kiss My Sass

Vizztone
Blues, Soul

Après les cardiaques, les dépressifs et les accidentés, ne me voilà-t-il pas réduit à traiter à présent des sortants de prison? À ce train là, cette rubrique ne relèvera bientôt plus de la chronique musicale, mais du médico-social. Car toute native de Houston qu’elle soit (et auréolée du titre encore chaud de “Soul Blues Female Artist of The Year”), Annika CHAMBERS n’en a pas moins récemment tiré six mois de détention. Escroquerie en bande organisée auprès de la Sécurité Sociale, énonce le chef d’accusation. Car après avoir été éduquée à la noble école du gospel dans son enfance, la jeune Annika s’engagea pour sept ans dans l’armée de son pays, contribuant notamment à remonter le moral des troupes impliquées en Irak et au Kosovo. C’est à son retour de ce périple qu’elle monta avec un complice Texas Ranger la combine qui lui valut cette sentence. Le genre de péripétie qui aurait pu tuer dans l’œuf une carrière qui s’annonçait pourtant sous les meilleurs auspices. C’est avec Larry Fulcher (bassiste du Phantom Band de Taj Mahal) qu’elle avait constitué le House Rules Band avec lequel elle remporta l’International Blues Challenge en 2012. Un premier album deux ans plus tard (le bien intitulé “Making My Mark” sur CD Baby) fut bientôt suivi d’un second (“Wild & Free”, chez Oarfin Records), avant que ses ennuis judiciaires ne mettent ses projets musicaux à l’amende. C’est avec soulagement qu’on retrouve donc Annika CHAMBERS sous ce titre un tantinet impertinent, mais toujours entre bonnes mains, puisque outre Larry Fulcher, la production en échoit à Richard Cagle et au batteur Tony Braunagel. Shuffle aussi cuivré qu’impavide, la plage d’ouverture, “Let That Sass Out” confirme le tempérament incendiaire de la donzelle, d’autant que la paire de gratteux à l’œuvre ne fait pas de quartier. Comme les chœurs ne relâchent pas non plus la pression, cette entrée en matière place d’emblée la barre au niveau de divas actuelles telles que Shemekia Copeland ou Deb Ryder (que produisit notamment aussi Braunagel). L’affaire prend une tournure résolument soul avec “That’s What You Made Me” et “You Can’t Win”, tandis que la grande Ruthie Foster vient adouber sa cadette sur le Mississippi tinged gospel “What’s Your Thing”. Derrière ces dames, la pedal-steel qu’actionne The Mighty Orq confère à l’ensemble une touche stonienne époque Ry Cooder. David Carter prend la relève aux six cordes pour une cover de la grande Angela Strehli, “Two Bit Texas Town”, avec les claviers bienvenus de Barry Seleen. Le grand Paul DesLauriers vient à son tour lui donner la replique sur “I Feel The Same” de Chris Smither. L’album persiste à osciller ainsi entre blues et classic soul, le fil rouge en demeurant le coffre et l’aplomb impressionnants avec lesquels Miss Chambers y délivre de bout en bout le right stuff. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter la version bouleversante qu’elle restitue du “Stay” de Carolyn Wonderland. Cette nouvelle diva risque de ne pas laisser beaucoup de scènes intactes, surtout si elle parvient à embarquer à sa suite le casting de tueurs qui officie ici à ses côtés. Comme si le réchauffement climatique ne suffisait pas à bouleverser nos climats jusqu’ici tempérés…
Magistral !

P.S.: L’ordre des titres du CD ne correspond pas exactement à celui énoncé sur sa jaquette, mais qu’importe…

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 8th 2019

(Photo: Annika Chambers & Paul DesLauriers)

Annika CHAMBERS – Kiss My Sass, un album annoncé sur le site du label Vizztone, ICI

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Page Facebook de Annika CHAMBERS (à retrouver sur FB sous le patronyme “bluesbaby85”): ICI