L.D (EP 5 titres – autoproduction)

Autoproduction / Durée 19’20 – 5 Titres
Blues

A peine sorti des bras de Morphée ce matin, me reviennent en mémoire les paroles de cette conversation entendues et échangées durant cette nuit, dans ce qui me semblait être un semblant de sommeil. Tant elles sont inattendues, car la frontière entre le rêve et la réalité n’est peut-être qu’une ligne imaginaire, je m’empresse de vous en faire part.
“Mon Blues m’a emmené à travers le monde, de Chicago à Berlin, de Tokyo à Paris. La couleur de votre peau ou le pays dont vous venez, sont des choses qui n’ont jamais eu d’importance pour moi, tant que l’on partage la passion du Blues. L’amitié vient avec!” dit Luther Allison, avec un large sourire.
Sur ce, sérieux, B.B. King rétorque: “Quand on conduit un tracteur en ramassant autant de coton que j’en ramassais à l’époque, la vie de Bluesman ressemble à des vacances”
C’est à mon tour de sourire lorsque je demande à Sonny Payne si Sonny Boy Williamson II était un mec fascinant, car il me répond: “Oui, du moment qu’on lui payait à boire! Sonny Boy jurait comme un charretier. Les gens disaient que c’était un bon à rien d’enfoiré, mais c’est de la connerie, tout ça. Il me respectait, et je le respectais.”
.
Le jour se lève, je me frotte les yeux, certain de ne pas avoir fumé de choses illicites cette nuit, ni d’avoir picolé avec Sonny Boy.
A notre époque où les progrès technologiques n’étonnent plus personne, chez certains d’entre vous, le réfrigérateur passe commande à votre place pour décider des repas, chez d’autres c’est la poupée robot dite intelligente qui prend les choses en mains (lol), mais chez moi, la platine laser, éprise de liberté, se charge de mes découvertes musicales. Une nouvelle fois, en guise de réveil matin, je découvre à ses côtés la pochette très sobre d’un EP 5 titres avec ces deux lettres, “L.D”, gravées sur fond de planches de bois. Intrigué par ces deux initiales et pas encore bien réveillé, je me pose la question, car un petit émoticône malicieux clignote sur la façade de Madame NAD. “L.D”, est-ce en mémoire de Lady Diana? Ou pire encore, imaginez qu’elle confonde le L avec le J et qu’elle m’inflige le dernier album de Julien Doré. Dans ce cas, ce serait bien La Déprime. Coco, je ne vous dis pas, même mon chien se mettrait à gémir pour s’empresser de sortir dehors!
Soyons sérieux! Pas d’entourloupe côté platine, car elle tourne au super non polluant, avec toujours le Delta du Blues en ligne de mire. Ces deux initiales, L.D, sont pour Le Duo, composé de Dom Bruno, alias Lefty Dom, au chant, ‘box’ guitars et guitares, et Lionel Da Silva, harmonicas, cajon et choeurs.
Ces deux complices ne sont pas nés de la dernière pluie, héritiers des grands qui les ont précédés. De l’eau a coulé sous le Memphis-Arkansas Bridge, tout comme coule le sang bleuté dans leurs veines depuis quelques décennies. Quelques lignes de leurs biographies respectives s’imposent tout de même pour vous les présenter…
Durant une quinzaine d’années, Lefty Dom, au sein du duo ‘Coup d’Blues’, a enregistré deux albums et a écumé les scènes de nombreux festivals, de Blues sur Seine au Buis Blues Festival, en passant par bien d’autres, et a participé à l’élaboration de plusieurs CD de compilations. Il a également mis en musique des textes d’Arthur Rimbaud et tourné avec le spectacle ‘Rimbaud Blues’ durant 6 ans. Depuis 2013 il joue sur scène avec les instruments qu’il fabrique à partir d’éléments de récupérations. Pour les lecteurs de Blues Magazine, reportez vous au numéro 82 du dernier trimestre 2016, car dans cette interview, vous saurez tout, Dom vous dévoile ses secrets de fabrication!
Lionel Da Silva, autodidacte, débute son apprentissage à l’harmonica à l’âge de 17 ans en écoutant les disques de Sonny Boy Williamson et de Toots Thielemans. Vingt ans plus tard, il intègre l’école Julien Gourdet pour ainsi perfectionner sa technique, et signe la composition et l’interprétation des ‘Raisins de la colère’ avec Hubert Jappelle au théâtre de l’Usine pour la saison 2012. Il accompagne ponctuellement Pierre Isahack dans un registre chansons françaises et Lando dans un répertoire Jazz brésilien et cap verdien. Notons également qu’il a partagé quelques scènes avec ses maîtres, Nico Wayne Toussaint et Michel Herblin, et il a également accompagné Ingrid Kubat sur son dernier album.
.
Après ces quelques pages tournées, entrons dans l’univers diaboliquement Blues et griffé L.D: voix, guitares acoustiques et harmo. Ce qui est pour certains le Blues dans sa plus simple expression, car les deux compères de L.D ne s’embarrassent ni de préjugés ni de fioritures superflues. Sans détour, ils entrent dans le vif du sujet et vont à l’essentiel, pour nous faire jouir d’un Blues authentique, sincère et profond, si proche des origines qu’il en est presque ‘outrageant’ tant c’est divin et jubilatoire!
Dès cette première interprétation, ‘I’m A Man’, empruntée au répertoire du Spencer Davis Group, la voix rocailleuse de Dom prend possession de vous, elle vous conte son vécu et fait ressurgir tous les démons du Blues. Les cordes des instruments de Dom vibrent d’accords acoustiques et enjoués comme sur ce titre ‘You Know I’m Gone’ d’Owen Campbell, accompagné de l’harmonica de Lionel, indissociable sur tous les titres, s’immisçant pour partager intimement une conversation de notes à l’unisson pour un partage sans faille.
Ces deux complices de l’extrême ne s’entravent pas des chaînes de la copie conforme lorsqu’ils reprennent le répertoire appartenant à d’autres artistes. Ce sont des orfèvres, lorsqu’ils s’accaparent un vieux bijou poli par les affres du temps comme ce ‘Got My Mojo Working’ écrit par Preston ‘Red’ Foster. Ils le refaçonnent sans aucun complexe de quelques facettes bien rutilantes, pour en faire une version très personnelle et originale. Cette petite galette bénie des dieux du Blues offre également deux superbes compositions: ce poignant ‘Katrina, Katrina’, souvenez-vous de l’ouragan qui a dévasté la Nouvelle Orléans et toute la Louisiane en 2005, chanté en français, avec cette complainte d’un harmonica en pleurs et une voix qui vous prend aux tripes. C’est sublime, et vous êtes partagés entre le désarroi et l’émotion, sous l’emprise et l’ivresse de ce texte. Vous reprendrez votre souffle sur cette deuxième compo, ‘Airport Blues’, collaboration entre Dom et Laurent Bourdier pour l’écriture, un Blues lent qui vous collera quelques frissons supplémentaires, si besoin encore était. Les deux font la paire dit-on, et quelle paire d’as font Dom et Lionel. Une paire siglée L.D. Signe du destin, leur rencontre n’est pas due au hasard. La version officielle vous dira qu’ils se sont rencontrés lors d’une jam, lorsque Dom exposait ses ‘cigar Box’, un soir de décembre 2014, à Auvers sur Oise. N’entrons pas dans un secret de Polichinelle, mais souvent existe également une version officieuse. Vous savez, la passion du Blues permet toujours quelques délires, non seulement à l’écriture, comme il m’arrive de le faire, mais également dans une certaine fiction emprunte de réalisme. Je ne suis pas le seul à vivre ailleurs, et heureusement, n’est-ce pas Dom, n’est-ce pas Lionel…? Ce n’est pas vous qui me direz le contraire. Nos chemins se sont croisés une nuit, alors que j’errai dans l’eden des légendes du Blues. Nous étions tous assis autour d’un feu de camp, sous un ciel étoilé. Dom tapait le boeuf à la gratte avec Muddy Waters et Lionel improvisait à l’harmo avec Sonny Boy Williamson, et tous les deux, vous en avez serré des mains, noires pour la plupart. Comment peut-il en être autrement, tant le Blues est en vous, tant il vous possède, corps et âmes.
.
Amis lecteurs de Paris-Move, il faut absolument vous procurer cet EP 5 titres de L.D qui vous comblera d’un Blues proche des racines de cette musique durant une vingtaine de minutes, faisant le bonheur de vos enceintes, car en plus, sa gravure offre une dynamique assez exceptionnelle, il faut le dire, car ce n’est pas toujours le cas dans tout ce qui est numérique. Si vous n’avez pas le privilège de partager avec ce duo un feu de camp sous les étoiles, consolez-vous, vous pourrez prochainement le découvrir sur les scènes Blues de l’hexagone, et il ne faudra surtout pas les manquer!
.
Dans un premier temps, soutenez-les sur leur page Facebook, ICI
Et allez sur leur site officiel, ICI
.
Alain AJ-Blues
Rédacteur en chef-adjoint
PARIS-MOVE