ANTHONY GERACI – Daydreams In Blue

Blue Duchess / Shining Stone
Blues
ANTHONY GERACI - Daydreams In Blue

En un demi-siècle, ce pianiste natif de New-Haven, Connecticut, a accompagné rien moins que Jimmy Rogers, Muddy Waters, B.B. King, Otis Rush, Big Walter Horton, Kenny Neal, Big Jack Johnson, J.B. Hutto Duke Robillard, Big Joe Turner, Hubert Sumlin, Debbie Davies, Zora Young, Carey Bell, Charlie Musselwhite, Monster Mike Welch et j’en passe, sans parler de son rôle au sein de quelques formations majeures telles que Ronnie Earl & The Broadcasters et Sugar Ray & The Bluetones (dont il demeure l’un des piliers). Après le célébré “Fifty Shades Of Blue” sur Delta Groove et “Why Did You Have To Go” sur Blue Duchess (qui lui valurent une brassée de nominations et d’Awards), Mr. Geraci remet donc le couvert, et comme de coutume, son carnet d’adresses répond à l’appel. Outre le fidèle Mudcat Ward (inamovible bassiste des Bluetones de Sugar Ray Norcia, après avoir lui aussi servi des années durant parmi les Broadcasters de Ronnie Earl), on retrouve donc à nouveau à ses côtés le non moins fidèle Mike Welch, ainsi que quelques autres invités de renom. Au premier rang desquels on distingue d’emblée le chanteur et harmoniciste de Boston Dennis Brennan, mais aussi les guitaristes Troy Gonyea, Peter Ward (frangin de Mudcat) et Walter Trout, sans oublier les cuivres Mark Early et Scott Arruda. Avec pareil équipage, et le pédigrée dont sa modestie le garde (à tort) de s’enorgueillir, on s’attend à un répertoire éclectique, et l’on n’est certes pas déçu. Le “Love Changes Everything” d’ouverture enfonce la porte sur un puissant swing-shuffle, poussé par la rythmique irrépressible que lui insufflent Mudcat et les baguettes de Jeff Armstrong, ainsi qu’une section de cuivres en verve, tandis que la guitare fluide et lyrique de Welch y fait jeu égal avec l’agilité d’Anthony sur son clavier. Dans le registre du regretté Fats Domino, le languide “Tomorrow Never Comes” emporte ensuite l’auditeur dans le New-Orleans des fifties, avant que Walter Trout ne prenne les commandes d’un poignant “No One Hears My Prayer”, où le dialogue entre sa lead guitar, le piano et les cuivres, rappelle à bon entendeur qu’il fit ses classes auprès de John Mayall. Le rumba beat de “Daydreams Of A Broken Fool” se situe à équidistance de Cuba et de la Crescent City, sur un mode qu’affectionnaient tant les regrettés Dr. John et Willy De Ville. “Mister” nous ramène en plein Chicago-shuffle, offrant à Brennan l’occasion de briller sur l’instrument à bouche, dans un registre proche de celui de Rice Miller, et à Anthony celle de rendre hommage au barrelhouse piano de Pinetop Perkins et Roosevelt Sykes. Comme l’indique son titre, le déchaîné “Tutti Frutti Booty” emprunte à Dave Bartholomew la facture néo-orléanaise des premier hits boogie-jump de Little Richard: les 88 touches y pulsent tant qu’avec le renfort des cuivres, on se croirait au milieu d’une session des voisins de Roomful Of Blues! Impression que prolonge la reprise lancinante du “Jelly Jelly” d’Earl Hines et William Eckstein (dont l’Allman Brothers Band avait déjà rendu une superbe version sur son “Brothers & Sisters” de 1973). C’est Mike Welch qui en assure le solo aux six cordes, avec une fluide volubilité digne de celle de Dickey Betts en son temps. Brennan et Goynea se sont associés à l’ex-front man du J.Geils Band, Peter Wolf, pour écrire le rageur et hanté “Dead Man’s Shoes”, sur lequel l’harmonica prend des accents morriconiens, tandis que le piano se tient en réserve pour accompagner la guitare chaque fois qu’elle grimpe à l’assaut, comme le lait quand il se prend à bouillir. Le swing léger de “Hard To Say I Love You” démontre qu’Anthony ne serait pas dépaysé dans le registre d’un Red Garland ou d’un Count Basie, et le savoureux “Living In The Shadow Of The Blues” prolonge ce climat doux-amer, tout en proposant, sur ce mode semi-confessionnel, un quasi-classique en puissance. “Crazy Blues/Mississippi Woman” poursuit dans la veine barrelhouse chicagoane de Muddy Waters, Otis Spann et Jimmy Rogers, avec un bref (mais bien senti) solo de slide de Welch pour faire bonne mesure, avant qu’Anthony ne conclue cette excellente livraison par le bref instrumental jazzy “Ode To Todd, Ella & Mike Ledbetter”. Vous aimez la musique? Ce disque est fait pour vous!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 25th 2020

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